Le grand raid Paris-Kaboul-Paris en dyane citroen : interview de Jean Louis Pougeas

Auteur
stardeuche
Publié le
9 décembre 2012
Mise à jour le
17 novembre 2020

Commençons par un peu d’histoire…

Dès les années 50 des conducteurs chevronnés partent à l’aventure avec cette petite voiture hors normes : tour de la méditerranée, liaison Canada Terre de feu, l’Afrique, l’Asie, l’Inde, le Tibet, le Sahara…. En point d’orgue, le 11 novembre 1959, les baroudeurs Jacques Séguéla et Jean Claude Baudot réalisent le premier tour du monde en voiture avec une 2cv. Ils parcourent près de 100 000 km à travers 50 pays.

Ces pionniers démontrent alors que cette voiture si dénigrée à sa sortie possède en fait des qualités irréprochables dans des conditions extrêmes. Ils forgent l’image de robustesse de la 2cv.

A l’aube des années 1970, la direction Citroën veut redonner la soif d’aventure à une jeunesse éprise de liberté et de grands espaces. C’est chose faîte en lançant le raid Paris-Kaboul-Paris en 1970. 

Pour ma part, j’éprouve de l’admiration, et surtout de l’envie, pour ces pionniers des grands voyages. Par chance, j’ai fait la connaissance de Jean Louis Pougeas, aventurier deuchiste qui a participé à ce grand raid. Il a gentiment accepté de répondre à quelques questions sur le grand raid Paris-Kaboul-Paris.

Une aventure ouverte aux propriétaires de 2cv, dyane citroen et méhari âgés de moins de trente ans

 Comment avez-vous eu connaissance de l’existence de ce raid ?

Nous avons appris ce raid par le service des relations commerciales de Citroën et par le biais à l’époque du père d’un de mes copains qui travaillait à l’usine « PANHARD » de la porte de Choisy dans le 13ème arrondissement.  Nous étions âgés de la vingtaine et sortions de la période de « Mai 1968 » qui avait fortement contribuée à nous donner des envies d’évasion, de création et de grand voyage.

 Donc dès l’info connue et surtout avec la possibilité d’acheter une 2cv dans de très bonnes conditions (collaborateurs Citroën), nous prenions à 3 la décision de demander 1 mois de vacances dans les entreprises ou nous venions de prendre nos tous premiers emplois.

des potes et une dyane

des potes et une dyane

Avez-vous voyagé seul ou avec un copilote ?

Notre projet est parti de suite à 3 copains qui se connaissaient depuis leurs études et depuis leur premier job dans les entreprises.  Partir à 3 était certes plus difficile pour le fameux bicylindre et le parcours prévisionnel jusqu’à Kaboul (voir le tracé général ci-joint).

 Par contre, le gros avantage venait de la sécurité engendrée, car à 3 il y avait tout le temps un pilote et son copilote aux places avant et à l’arrière le troisième pouvant se reposer.

Quelles étaient les modalités d’inscription pour faire ce grand raid ?

Pour ce premier raid organisé par Citroën après 1968 et les arrêts de fabrication des usines pendant les grèves, les modalités d’inscription furent très succinctes de mémoire :

  • Avoir une 2cv, dyane ou méhari
  • Avoir moins de 30 ans
  • L’envie de faire ce voyage en aller-retour en 1 mois (mais sans s’engager réellement sur ce dernier point).

Les équipages étaient-ils surtout français ou vraiment internationaux ?

Majoritairement bien entendu des français, mais aussi beaucoup de belges et d’espagnols (accompagnés par une assistance indépendante) ou la 2cv était également fabriquée.

Mais sur les 500 voitures engagées il y avait effectivement des inscriptions internationales (Allemagne, Angleterre, Autriche, Danemark, Italie, Hollande, Luxembourg, Maroc, Norvège, Suisse, Tunisie, Yougoslavie) , d’autres venu de très loin  comme par exemple ces néo-calédoniens croisés pendant le périple (voir photo ci après) et aussi des iraniens qui venaient de Téhéran pour prendre le départ à Paris.

une 2cv de nouvelle calédonie

équipage néo calédonien du grand raid Paris-Kaboul-Paris

Une dyane pour partir à l’assaut des pistes

Pouvez-vous décrire votre 2cv de l’époque ? (type de deuche, modifications apportées, numéro apposé sur votre voiture…)

Nous sommes donc partis avec une dyane 6(dont, justement la conception avait été donnée au BE de Panhard par Citroen), et nous portions le N° d’équipage 189 qui ne figurait pas sur les voitures (voir photo prise par Citroën à l’arrivée à Paris).

 Il s’agissait d’une dyane 6 de 1969 me semble t’il, et nous avions apportés que quelques modifications conseillées par l’organisation :

  •  Pare buffle en pare choc avant (bien utile avec les chiens errants en Turquie).
  • Protection grillagée des phares d’origine.
  • Phares longue portée additionnels fournis à bas prix par CIBIE.
  • 2 roues de secours avec pneus tout terrains sur barre de toit.
  • Réservoir additionnel d’essence d’origine de Dauphine Renault logé dans l’emplacement d’origine de la roue de secours et relié par tuyau souple et robinet au réservoir d’origine.
  • Porte bagage de malle arrière pour ramener les manteaux brodés Afghans commandés par toutes les copines et copains restés en France.
  • Et enfin pour notre grand confort, la banquette arrière supprimée et remplacée par un siège inclinable de Simca 1000.

Avez-vous toujours cette 2cv aujourd’hui ?

Notre dyane a été aussitôt revendue après notre retour du raid après démontage complet et nettoyage et après l’avoir fait repeindre pour faire disparaître les traces de jets de pierre, d’autocollants et d’inscriptions peintes à la main par les turcs et les iraniens pendant le voyage.

Avez-vous financé vous-même ce raid ou avez-vous été aidé par des sponsors ?

Nous avons financés notre voyage par nous même avec nos premiers salaires de l’époque(environ 1200 francs) ; sachant que la voiture serait revendue au retour, que nous vivions encore chez nos parents et que Citroën et Total participaient en grande partie à la maintenance, au carburant et à l’huile gratuitement.

Ce raid était il une course avec un classement ou un rallye touristique ?

Ce raid n’était pas une course proprement dite, mais il y avait un classement de prévu à l’arrivée établi sur le respect du parcours routier et des pénalisations si nous n’arrivions pas aux différents contrôles de passage dans les heures imposées( une fourchette d’environ ½ journée pour chaque contrôle en général disposés dans les capitales et grandes villes des pays traversés) ; ainsi que sur un reportage photos(3 significatives) et texte d’une page de récit de notre voyage.

 Ce classement était important puisqu’il permettait de gagner des 2cv pour les 10 premier, des voyages, des pleins d’essence……etc.

 Pour ce qui est du rallye touristique, il faudra revenir une autre année car 17000km en aller retour en grande partie sur des pistes et en 30 jours, ne permettait pas de flâner sur les sites les plus étonnants que nous traversions.

Une ambiance au beau fixe, une entraide chaleureuse entre 2cv et dyane

Quelle était l’ambiance pendant ce raid ? (avec les participants, les organisateurs…)

Superbe ambiance pendant le raid grâce avant tout aux voitures d’assistance Citroën (des DS) qui faisaient des aller-retour incessants dans toute la caravane pour prendre la température : les bobos des participants et de leurs montures et qui transmettaient ces infos aux camions d’assistance quant cela nécessitait des changements de pièces(comme carrément des châssis complet à Istanbul) avec l’aide de mécanos Citroën.

réparation au bord d'une piste

réparation au bord d’une piste

Entre les concurrents, il y avait une convivialité et une grande solidarité pendant tout le voyage(il faut dire que 500 voitures qui se suivent nous condamnent à toujours être ensemble !!!) par exemple en Turquie un concurrent, arrêté au bord de la piste, nous proposait un verre de Raki (Pastis local) pour fêter le passage des 100 000kms au compteur de sa 2cv.

Les bivouacs étaient très chaleureux, on se regroupait pour éviter tous risques de fauches et de dérangements dans des sites en dehors de tous villages. Sinon dans les villes de contrôles de passage nous étions hébergés dans les stades, ou dans des universités.

Lors du départ, quel était votre sentiment ? (peur, joie, soif de découverte, crainte des difficultés…)

Ce projet était vraiment la continuité de notre insouciance de nos 20 ans et de l’esprit de liberté créé par la période de « mai 1968 ».

Aucune peur (sauf pour nos parents), beaucoup de joie à l’idée que nous allions quitter un continent pour en découvrir un autre avec une entrée vers l’Asie. Pas de craintes non plus par rapport aux difficultés que nous ne soupçonnions pas un instant.

Pendant le voyage quel est le pays qui vous a le plus enthousiasmé ? Pourquoi ?

En allant de plus en plus vers l’Est, c’est vraiment l’arrivée en Afghanistan qui nous a le plus enthousiasmé par la beauté des paysages (dans le lointain les contreforts de la chaine Himalayenne), l’accueil jovial et sincère des populations autochtones correspondant à une vie décalée de plusieurs décennies par rapport à notre civilisation occidentale de l’époque.

Pendant le voyage, quelle a été la plus grande difficulté que vous avez rencontrée ?

Sur le plan mécanique la plus grande difficulté ( si l’on peut dire) fut le remplacement périodique de la bobine d’allumage et 1 remplacement d’alternateur à cause de l’humidité au passages des lits des rivières et des échauffements moteur sur les longues montées par les pistes vers les hauts plateaux de Turquie.

Sur le plan santé, quelques problèmes sérieux intestinaux pour l’un d’entre nous avec certainement en cause la nourriture locale (peut être la viande locale recouverte de mouches sur les marchés afghans et pourtant servie en brochettes extrêmement cuites).

Autre difficulté rencontrée fut le manque de temps pour admirer sérieusement les 3 pays traversés à partir d’Istanbul avec des étapes harassantes et dangereuses qui conduisirent d’ailleurs Citroën à faire des raids plus court et avec plus de sélection dans les 2 années suivantes : Paris- Persépolis- Paris et le Raid Afrique

Racontez-moi une anecdote lors de ce voyage ?

Pendant ce voyage les anecdotes ne manquent pas et l’on peut retenir :

  •  Les chants d’enfants Afghans enregistrés et admiratifs devant notre magnétophone à piles de l’époque.
  • Les messages peints spontanément sur les ailes de notre voiture par des villageois dans leur écriture locale en Iran.
  • La soirée que nous a offerte un Iranien à Téhéran (restaurant, ballade).
  • La fabrication de pain à même le sol dans le sable au bord de la route par des paysans Afghans.
  • L’escorte et la haie d’honneur de l’armée Afghane à notre arrivée à Kaboul.
  • Le manque de résistance des pneus piste Michelin et les nombreuses crevaisons.
haie d'honneur pour les 2cv raid

haie d’honneur pour les 2cv raid

Quel était la réaction des gens rencontrés pendant le raid en voyant la deuche ? Sur votre parcours, avez-vous pu entrer en contact avec les populations des territoires traversés ?

Accueil admiratif du convoi des 500 deux chevaux pendant tous le voyage avec une attirance malheureusement destructrice sur les voitures par les jets de pierres en traversant la Turquie; Il faut dire que les populations étaient bien entendues énormément surprises par ce grand nombre de voitures de tourisme !!!!!

Comme écrit précédemment, pas de temps pour vraiment rencontrer les populations, sauf en Afghanistan à HERAT ou nous avons passés un bon petit moment à discuter et à boire le thé sur la terrasse invités par des habitants (le toit des constructions de terre de leurs habitations).

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